mardi 24 janvier 2017

La CEDEAO fait en Gambie ce que l’EAC aurait dû faire au Burundi en 2015




La Gambie vient de tourner la page, après la longue dictature de Yahya Jammeh. C’est un grand soulagement pour les Gambiens, mais c’est aussi l’espoir qu’un autre pays africain, aussi petit soit-il, va probablement s’engager sur le chemin d’un Etat de droit, où tous les citoyens sont libres d’exprimer leurs idées et d’adhérer aux organisations sociopolitiques de leur choix.
Ce changement n’aurait pas été possible si la Gambie n’avait pas des pays voisins qui croient en la liberté, en une vraie démocratie. Le Sénégal, le Ghana ou encore le Nigeria, tous membres de la CEDEAO sont des pays où la culture démocratique est bien ancrée.
Cet engagement a fait que, quand le président Yahya Jammeh a décidé de retourner sa veste et de ne plus reconnaitre sa défaite, les pays membres de la CEDEAO ont parlé d’une même voix pour lui faire comprendre qu’ils ne le laisseront pas annihiler la volonté de changement du peuple gambien, qui avait décidé de voter pour l’opposant Adama Barrow. Ils l’ont convaincu de quitter le pouvoir en combinant à la fois les méthodes diplomatiques et la menace d’une intervention armée si jamais il continuait de résister. C’est une grande victoire pour la CEDEAO d’avoir réussi cette mission sans qu’aune vie humaine ne soit sacrifiée.  
C’est vrai qu’il y a un risque que la CEDEAO et l’Union africaine aient promis à Yahya Jammeh une impunité pour les crimes commises pendant son règne, mais ce n’est pas l’important pour le moment. Le plus urgent est que la transition réussisse, que le nouveau président ait la loyauté des  forces armées et de la police qui ont servi une dictature pendant une vingtaine d’années et qu’il puisse les transformer en des forces réellement républicaines, au service des citoyens. Le fait que les forces de la CEDEAO aient été envoyé pour sécuriser Banjul avant la rentrée de Adama Barrow de son exil montre que le nouveau président gambien n’a pas totalement confiance en forces de sécurité de la Gambie, ce qui signifie que la transition et la confiance mutuelle entre le nouveau président et ses forces de sécurité sera difficile et prendra du temps.
Ce que la CEDEAO a fait en Gambie est ce que la Communaute Est-Africaine (EAC) aurait dû faire au Burundi en 2015. Yahya Jammeh de la Gambie et Pierre Nkurunziza du Burundi ont ceci en commun : ils voulaient tous se maintenir au pouvoir en violation de la loi. Ce coup de force a un non : c’est un coup d’Etat civil. Pierre Nkurunziza n’a certes pas perdu les élections comme Yahya Jammeh, mais il a forcé pour briguer un autre mandat que les lois du pays ne lui permettaient pas. Il a violé les Accords d’Arusha, qui sont la mère de la Constitution et qui stipulent qu’aucun président ne peut briguer plus de 2 mandats. Ce qui est regrettable, c’est que l’EAC était le garant de cet Accord d’Arusha, mais quand Pierre Nkurunziza l’a violé, la Communauté n’a rien fait.
L’inaction de l’EAC a une explication. La contestation contre Pierre Nkurunziza en 2015 a été non pas seulement une contestation du troisième mandat, mais aussi une contestation de ses deux mandats qui avaient failli à améliorer la vie des Burundais. C’était aussi et surtout une contestation contre la dictature et la corruption qui avaient caractérisé le règne de Pierre Nkurunziza. Ce n’est pas par hasard que les manifestations ont été violemment réprimées, avec des centaines de gens torturés et tués, et 320 000 forcés à l’exil. Cette terreur n’est pas sortie de nulle part. Elle a toujours été au cœur du régime de Pierre Nkurunziza. Eviter à tout prix que Nkurunziza brigue un autre mandat, c’était espérer enfin que le pays ait un nouveau leadership qui l’engage sur le chemin de la liberté économique et politique.
L’EAC n’est pas intervenu parce qu’aucun de ses pays membres, à part peut-être le Kenya, n’est véritablement un pays démocratique. Le président Kagame du Rwanda lui-même faisait changer la Constitution pour se maintenir au pouvoir, il n’aurait pas eu de légitimité pour pousser un autre dictateur a la sortie. La Tanzanie est dirigée par un seul parti qui malmène toute sorte d’opposition depuis l’indépendance. Le président ougandais vient de passer 30 ans au pouvoir et met en prison ses principaux opposants a chaque élection, il n’a rien à dire sur le respect des normes démocratiques. Le Kenya de Uhuru Kenyatta lui est comme la Chine, son intérêt est de faire des affaires avec tout le monde, dictateurs ou pas.
L’intervention de la CEDEAO en Gambie témoigne d’une supériorité de l’Afrique de l’Ouest sur l’Afrique de l’Est en termes de respect de l’Etat de droit, et tout apprenti dictateur qui voudra s’imposer contre la volonté du peuple saura qu’il aura affaire aussi à la CEDEAO. Par contre, les dictatures en Afrique de l’Est ont encore de beaux jours devant eux.   

samedi 14 janvier 2017

Ce que les Africains devraient apprendre de Donald Trump




Je ne suis pas un admirateur de Donald Trump. Mais au cours de sa conférence de presse, malgré sa brutalité envers les journalistes, il a dit une phrase m’a beaucoup touché: « Je serai le plus grand créateur d’emploi que Dieu ait jamais créé ». Une visite à sa page Twitter confirme que l’engagement du nouveau président à créer plus d’emplois pour les Américains est très fort. 

Certes, il y a une différence entre les mots et les actes, et on juge les hommes politiques, non pas sur leurs discours, mais sur leurs réalisations. Il faut donc garder les pieds sur terrain et attendre voir si Donald Trump sera, effectivement, un grand créateur d’emploi. Mais je pense qu’il a tout ce qu’il faut pour y arriver. C’est un homme d’affaires très prospère qui connait très bien les lois de l’économie. Il sait que ce sont les entreprises qui créent des emplois, et il sait ce qu’il faut faire pour les y encourager.
J’aimerais donc voir en Afrique des leaders qui ont une détermination aussi forte, sinon plus, que celle de Donald Trump, à créer des emplois pour les Africains. Si nous avions suffisamment d’emplois en Afrique, des milliers de nos frères ne seraient pas en train de se faire tuer dans la Méditerranée en  tentant de rejoindre l’Europe dans l’espoir de meilleurs pâturages.  

Nous devons donc juger les leaders africains sur leur capacité ou incapacité à créer des emplois dans leurs pays respectifs. Et jusqu'à présent, on ne peut remarquer que beaucoup de ces dirigeants ont échoué à ce projet. Pourquoi ? 

Il y a plusieurs raisons. L’une d’elles est que beaucoup de nos dirigeants ne comprennent pas l’économie. Si nous ne comprenons pas l’économie, a écrit un jour l’entrepreneur zimbabwéen Strive Masiyiwa, nos chances de survie sont très limitées. Ce constat est valable aussi bien pour les individus que pour les Etats. Et si nos dirigeants ne comprennent pas l’économie, c’est la survie des millions de gens qui y vivent, qui est en danger ; ils prendront, sans le savoir, des mesures qui nuisent aux entreprises, et donc à la création des emplois. Le conseil que je peux donner aux leaders africains d’aujourd’hui et de demain, est de chercher à comprendre l’économie, surtout pour les non économistes. 

La deuxième raison est que depuis les indépendances africaines, il y a une forte hostilité en Afrique envers le capitalisme. La propriété privée était considérée comme étant au cœur du colonialisme. Lénine n’avait-il pas écrit que l’impérialisme, donc la colonisation, est le dernier stade du capitalisme ? Beaucoup de révolutionnaires africains se sont fourvoyé dans cette rhétorique léniniste, et ont considéré qu’ils ne pouvaient lutter contre le colonialisme et le néocolonialisme qu’en luttant contre le capitalisme. Et jusqu'à présent, et parmi les plus éminents intellectuels africains, la haine contre le capitalisme est trop forte. 

Mais l’histoire a montré que c’est le capitalisme qui crée les richesses, et donc les emplois. Les pays les plus riches aujourd’hui sont les pays capitalistes, ceux-là même qui sont considérés comme le paradis pour nombre de nos compatriotes africains. Le Japon, la Corée, et même la Chine ne se sont enrichis que parce qu’ils encouragent et même célèbrent  la création des emplois. 

En Afrique, les discours sur l’entrepreneuriat sont sur toutes les lèvres, mais sur le terrain, tout est fait pour nuire aux entreprises : la corruption, le manque de justice indépendante et crédible capable de protéger l’argent des investisseurs, concourent à convaincre ces derniers d’aller investir ailleurs. 

Mais le plus grand problème pour la création des emplois en Afrique reste la dictature. La majorité des pays africains continuent d’être dirigés de façon despotique et ce manque de liberté politique et économique est très nuisible pour les affaires. C’est le président ivoirien Alassane Ouattara qui l’a bien dit récemment lors de l’investiture du nouveau président ghanéen Nana Akufo-Addo: « Sans la démocratie, il n’y a pas de paix, et sans la paix, il ne peut pas y avoir de croissance économique durable ».
Email : ntahimperaj@yahoo.fr

lundi 2 janvier 2017

Il ne faut pas faire confiance à Joseph Kabila



L’année 2017 commence relativement bien pour la République Démocratique du Congo. L’accord entre le pouvoir et l’opposition est une preuve que quand il y a la volonté, les conflits peuvent se régler pacifiquement. L’accord prévoit un partage du pouvoir entre le pouvoir et l’opposition jusqu’aux élections qui doivent être organisées avant la fin de 2017. Plus important encore, l’accord prévoit que pendant cette transition le président Joseph Kabila ne pourra pas briguer un troisième mandat et qu’il n’y aura pas de révision de la Constitution pour lui permettre de le faire. 

Cet accord est généralement bon puisque l’objectif de la transition est de préparer des élections crédibles qui devraient permettre à la RDC d’entamer un nouveau départ. Et cette transition devrait être une réussite puisque, le président Joseph Kabila n’étant pas supposé participer à ces élections,  il devrait les organiser de façon impartiale, désintéressée. 

Mais le problème est que Kabila ne veut pas quitter le pouvoir et, pour cette raison, il n’y a aucune certitude qu’il respectera cet accord. Ce qui lui a poussé à ne pas organiser des élections avant la fin de son mandat peut aussi le pousser à ne pas les organiser à l’issue de cette transition. Il a prétendu qu’il n’y avait pas d’argent pour les organiser dans  les délais, il peut toujours lancer cet argument pour ne pas les organiser d’ici fin 2017. Il a toujours le contrôle de la police, de l’armée et des services de renseignements, il a donc les moyens de pervertir cette transition à n’importe quel moment et d’entamer une révision de la Constitution qui le permettra de rester au pouvoir aussi longtemps que possible. 

Ce qui doit pousser les opposants à rester prudents est de voir ce qui se passe dans le Burundi voisin. Les accords d’Arusha signés en 2000 précisent très bien qu’aucun président ne doit briguer plus de 2 mandats, mais le président Pierre Nkurunziza les a violés en briguant un troisième mandat en 2015 et il veut changer la Constitution pour briguer un quatrième mandat en 2020. 

La question que les opposants doivent se poser  maintenant est : qu’allons-nous faire si Joseph Kabila décide de ne pas respecter cet accord ? Cette question doit être prise au sérieux, en partant du principe qu’il ne faut jamais faire confiance à un dictateur et qu’il y a au moins 50% des chances qu’un despote ne respecte pas ses engagements. Les manifestations de ces derniers jours ont été réprimées dans le sang par le pouvoir, avec au moins 40 morts selon l’ONU. Si le pouvoir de Joseph Kabila tue et emprisonne ceux qui manifestent pacifiquement, qu’est-ce qu’il ne peut pas faire ?