lundi 14 novembre 2016

La Turquie est-elle l’amie de l’Afrique ?



L’intellectuel ghanéen George Ayittey ne cesse de dénoncer l’approche des pays africains dans leurs relations avec la Chine: “L’ennemi de mon ennemi est un ami”. En effet, beaucoup de pays africains continuent à considérer les Occidentaux comme des ennemis qui cherchent toujours à revenir coloniser l’Afrique par la petite porte. Ce qui les pousse à être enclins à faire confiance aux pays émergents, notamment la Chine, qui se présente toujours comme du tiers monde même s’il est plus avancé économiquement que la majorité des pays africains. La Chine est spécialement instrumentale dans la recherche du partenariat avec les pays africains, et elle finance beaucoup de projets en Afrique, et donne une aide « sans conditions" aux pays africains. Les présidents africains l’accueillent à bras ouvert comme un pays « ami ».

Le même scenario est en train de se dessiner avec La Turquie, qui manipule les pays africains comme des pays « frères » en les appelant à « une résistance commune de la Turquie et de l'Afrique » face à un hypothétique « nouveau modèle de colonisation ».  Or ce que George Ayittey dit de la Chine est aussi valable pour la Turquie : ce n’est pas un pays ami. En tous cas, il n’est ni plus ni moins ami que les Etats-Unis, la France ou la Suède. Comme les autres pays, occidentaux ou pas, la Turquie ne cherche que ses propres intérêts. La Turquie est la 18e économie mondiale, elle a besoin d’écouler ses marchandises. C’est pourquoi elle demande aux pays africains le libre échange.
Nos pays africains devraient évacuer toute forme d’émotion dans leurs relations avec la Turquie et mettre en avant eux aussi leurs propres intérêts. Ainsi, ils devraient se demander : le libre-échange avec la Turquie est-il favorable aux pays aux pays africains? Pour la majorité de ces pays, la réponse est non. Beaucoup de nos pays ne sont pas encore suffisamment industrialisés, ce qui signifie que laisser les produits turcs inonder les pays africains seraient décourager l’espoir d’industrialisation de ces pays. 

Je ne dis pas que les pays africains ne devraient pas faire des affaires avec la Turquie. Je dis qu’il faut veiller à ce que ces affaires soient avantageuses aux peuples africains. Pour que ça soit le cas, il faut savoir ce que nous voulons en tant que peuples. Et je pense, sans risque de me tromper, que chaque peuple veut s’épanouir, ça veut dire être libre et riche. Or, aucun pays au monde ne s’est enrichi sans s’industrialiser. Ce que nous pouvons gagner de la Turquie, ce sont les capitaux. La Turquie est relativement riche. Au lieu de nous inonder avec des produits finis, demandons aux turcs, de venir investir en Afrique, de donner du travail aux Africains, et de nous faire profiter de leur savoir-faire technique que beaucoup de pays africains non pas. Ca, ce sera une relation gagnant-gagnant : ils empocheront les bénéfices sur leur capital, et nous, nous aurons du travail pour beaucoup d’Africains. 

Refuser de se faire instrumentaliser par le président Erdogan 

Le journal Jeune Afrique rapporte que, à part les relations commerciales, la Turquie invite les pays africains à se méfier de Fethullah Gulen, le principal adversaire politique du président Erdogan accusé d’être derrière le coup d’Etat raté. La confrérie de Gullen aurait des réseaux d’écoles et d’universités dans en Afrique que la Turquie incite les pays africains à fermer. Visiblement, le pouvoir turc veut utiliser les pays africains pour se débarrasser de ses ennemis intérieurs. Sur ce point, les leaders africains devraient avoir le courage de dire au président Erdogan : NIET. Gullen menace peut-être le pouvoir personnel de Tayyip Erdogan. Mais jusqu'à présent, rien ne montre que la confrérie de Gullen constitue une  menace pour les pays africains. Le président Erdogan est  engagé dans une large campagne de répression de tout ce qui ressemble à l’opposition et les pays africains n’ont aucun intérêt à l’y aider.  

Et si le président Erdogan cherche à s’approcher de plus en plus des pays Africains, ce n’est pas par amour, mais parce qu’il est de plus en plus isolé sur la scène internationale, les pays occidentaux n’hésitant pas à s’indigner face à sa dérive dictatoriale.